Du partage à la différenciation
Suite au refus de continuer de pratiquer un art traditionnel ou ethnocentriste, les créateurs vietnamiens se sont tournés depuis longtemps vers de nouvelles expériences, cherchant à adapter les formes rencontrées dans l’art contemporain international au contexte socioculturel vietnamien. La profusion de symboles, issus de cultures différentes, a pu conduire à une lecture polysémique problématique. Mais ces recherches esthétiques ne cherchaient-elles pas à modifier le réflexe des spectateurs conditionnés par un art resté trop longtemps figé ?
A partir de grands portraits exécutés d’après modèle ou imaginés, l'artiste franco vietnamien Hom Nguyen a dépassé les apparences mimétiques des figures pour révéler les sentiments profonds des personnes à travers de multiples traits griffonnés et coloriés. Il a voulu relayer ainsi par le dessin et la couleur l'absence de parole des immigrés asiatiques venus en France. Avec Inner Cry réalisé en 2017, l’artiste, poussé par la violence du combat qui l’opposait à la matière, est allé jusqu’à effacer la bouche d’où devait sortir le cri.
Le silence brutal des couleurs stoppées dans leur élan graphique a semblé alors transformer le dessin en la longue plainte inaudible d’un sourd-muet. L’artiste a montré ainsi la présence constante d’une nature invisible qui ne peut s’exprimer qu’avec l’accord de voisinage des parties représentées. De manière paradoxale, la différenciation n’est apparue ici qu'à partir d'un environnement partagé.