Forest Memoirs
Lê Thua Tien a réalisé une œuvre originale en 2011 intitulée Forest memoirs, suite à un travail de recherche dans une région où l'indivision patrimoniale semblait soumise à des décisions administratives autoritaires auprès de certains propriétaires terriens. L’artiste a installé des branches d’arbres ramassés dans une zone périphérique urbaine, qu’il a ensuite partiellement brûlées et suspendues au plafond dans un arrangement aléatoire. Leur éclairage avec plusieurs spots, en fusionnant l’ombre de ces rameaux sur le mur, a recréé l’image de l'arbre qui, selon les angles de vue, donnait l'impression de s’estomper ou de réapparaître lentement de façon continue. A partir de ce mouvement entretenu par les variations de lumière, l’œuvre a évoqué un certain flou quant aux chiffres retenus pour la déforestation. En considérant qu’un arbre nu représente une forêt perdue, c’était comme si l’image elle-même en s’effaçant appelait à l’aide l’esprit de la forêt.
En même temps que le lien entre l'homme et la nature, l'œuvre a donc posé la question de la responsabilité de chacun. Le spectateur asiatique a pu retrouver ici la réflexion traditionnelle sur l'invisibilité corrélative à la visibilité. Quant à l'observateur occidental, il a perçu cette œuvre changeante comme une réalité devenue irrationnelle. Sa tentation a été grande d’y voir une déviance exotique ou une scène mystique. En voulant accomplir ici un véritable échange culturel, celui-ci n'a pu le faire qu’en considérant cette vision comme une extériorité symbolique bénéfique, très éloignée de ses propres réflexes perceptifs historiques et de sa culture originelle.